L’infertilité sur la scène publique

Les praticiens (médecins, gynécologues, urologues, andrologues, généticiens, psychothérapeutes, etc.) ont occupé, depuis 30 ans, une place centrale dans le traitement et la diffusion de l’information relative à l’infertilité. L’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) s’est banalisée et les enfants issus d’une aide médicale à la procréation (allant de la stimulation ovarienne aux techniques plus lourdes) sont de plus en plus nombreux : un à deux enfants par classe en écoles élémentaires (de La Rochebrochard, 2008). Il est, par ailleurs, scientifiquement établi que les hommes, aussi bien que les femmes, sont responsables des problèmes de fertilité dans le couple (de La Rochebrochard, 2001).

Peu à peu, la notion de « femmes infertiles » perd du terrain et, dans les protocoles d’AMP, les dossiers médicaux commencent à intégrer le nom des hommes. Pourtant, les messages portant sur la fertilité, véhiculés par le monde médical et repris par les médias, ciblent encore principalement les femmes. Il s’agit le plus souvent de messages d’alerte quant à leur âge, tels que : « Envie de bébé, n’attendez pas ! », de messages psychologisants, mais aussi hygiénistes. Ils visent à rappeler les femmes à l’optimisation de leurs « performances » de génitrices et de gestatrices : on leur conseille la « zen attitude », la détente, le sport, la sobriété ou les médecines parallèles. 

Le traitement de l’information relative à la fertilité des hommes est moins visible, moins systématique, et renvoie souvent à la notion de « qualité » à travers les débats actuels autour de la baisse de la qualité du sperme. Si la notion « d’hommes infertiles » a fait couler beaucoup moins d’encre que celle de « femmes infertiles », les débats relatifs à la qualité du sperme sont, à l’heure actuelle, largement médiatisés. Les sciences « dures » sont fortement mobilisées avec la diffusion de résultats de recherches  documentant cette baisse de la qualité du sperme du fait de nombreux perturbateurs endocriniens présents dans l’environnement et dans l’alimentation, qui participeraient à la baisse de la fertilité humaine actuellement étudiée. 

Le traitement médiatique de l’infertilité va très souvent dans le sens d’une psychologisation et d’une responsabilisation pour les femmes, alors qu’il met en avant des causes environnementales, extérieures, pour les hommes. Si la mise au jour de l’existence de l’infertilité des hommes a établi le partage des responsabilités au sein du couple (Thonneau et al., 1991), le développement des traitements médicaux de l’infertilité des hommes par fécondation in vitro avec injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (FIV ICSI) a deux conséquences majeures sur les parcours en infertilité des couples. Tout d’abord, cette technique entretient les manipulations du corps des femmes puisqu’il s’agit d’une FIV dont les protocoles médicaux sont particulièrement lourds. 

Elle est cependant la principale technique mise en œuvre et représente plus de la moitié des naissances qui ont suivi une assistance médicale en 2009 : 38 % pour les FIV avec micro-injection et 20 % pour les FIV classiques (Agence de la biomédecine, 2011). Ensuite, elle entretient la priorité accordée à la filiation « biologique » des deux parents puisqu’elle est nettement plus utilisée que l’insémination artificielle avec un sperme de donneur (intervention médicale beaucoup moins lourde pour les femmes puisqu’elle ne requiert pas de ponction d’ovocyte et donc pas d’acte chirurgical). 

En France, les enfants nés suite à une AMP sont issus massivement des gamètes des deux parents : 94 % des 22 000 enfants nés après une AMP en 2009 ont été « conçus » en intraconjugal (Agence de la Biomédecine, 2011) ; seuls 6 % des enfants sont issus d’une technique ayant fait intervenir un don, presque exclusivement de sperme, et le recours au don n’est envisagé qu’après échec des techniques en intraconjugal (Jouannet 2009) et en cas d’infertilité irréversible du (de la) conjoint(e) « défaillant(e) » ; le recours au double don (sperme et ovocytes) pour un même couple est, quant à lui, interdit.

Cassien Tribunal Aungane, Editeur

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